« קוֹל דּוֹדִי הִנֵּה־זֶה בָא, מְדַלֵּג עַל־הֶהָרִים, מְקַפֵּץ עַל־הַגְּבָעוֹת »
« Voici mon bien-aimé, il vient, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines. »
(Cantique des Cantiques 2:8)
Dans cette ville où les montagnes et les collines dessinent un horizon de promesses et de douleurs, chaque pierre semble porter l’écho d’un prophète, d’un roi ou d’un pèlerin. La rue des Prophètes, artère discrète mais chargée d’histoire, traverse cette Jérusalem mêlée de foi, de conflits et de poésie.
Une tombe, plusieurs récits
Si vous vivez à Jérusalem et souhaitez prier sur la tombe de Benjamin, fils de Jacob, vous n’avez pas besoin d’aller bien loin. Dans le quartier ultra-orthodoxe de Mekor Baruch, à deux pas de la rue des Prophètes, une sépulture musulmane du XIIe siècle est présentée, à l’aide de pancartes artisanales, comme étant celle de Benjamin. Pourtant, cette affirmation ne repose sur aucune source fiable.
En réalité, une inscription gravée sur le tombeau indique que le défunt se nommait Akasha Ben Mohasin, compagnon du prophète Mahomet. Selon la tradition islamique, Akasha appartenait à un cercle d’amis proches du Prophète et serait mort au XIIe siècle. Le tombeau fut rénové par les Mamelouks au XIIIe siècle, et la tradition locale raconte que trois soldats de Saladin auraient également été inhumés en ce lieu.
Un nom inspiré par les légendes
Cette confusion des récits fascinait les Britanniques lorsqu’ils prirent le contrôle de Jérusalem après la Première Guerre mondiale. Le haut-commissaire John Chancellor fut marqué par les traditions locales affirmant que les trois grandes figures monothéistes — Moïse, Jésus et Mahomet — seraient symboliquement liées à cette région. Inspiré par ces récits, il donna à l’artère principale le nom évocateur de rue des Prophètes (Prophets Street).
Préserver l’esprit de Jérusalem
À cette époque, l’un des plus fins connaisseurs de Jérusalem, le gouverneur militaire Sir Ronald Storrs, déclara :
« Jérusalem n’est pas une simple ville. C’est un esprit, un rêve de pierre posé sur des collines. »
Convaincu de l’importance patrimoniale de la ville, il imposa que toutes les nouvelles constructions soient revêtues de la pierre de Jérusalem, cette pierre calcaire aux tons dorés qui donne à la ville, au coucher du soleil, son éclat unique.
Comme il l’écrira plus tard dans ses mémoires :
« Nous ne pouvions pas permettre que la ville des prophètes soit défigurée par les erreurs de l’architecture moderne. »
Une rue, mille récits
La rue des Prophètes devint rapidement un symbole de cette Jérusalem plurielle. Elle était bordée d’institutions chrétiennes, juives et musulmanes, d’hôpitaux, de couvents, de consulats. On dit que T.E. Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie, y avait ses habitudes lors de ses séjours.
Aujourd’hui encore, en arpentant la rue des Prophètes, entre les couvents silencieux, les maisons ottomanes et les tombes oubliées, le promeneur attentif perçoit quelque chose de cet entrelacs de récits, de prières et d’utopies. Ici, les pierres chuchotent toujours les noms de ceux qui ont tenté d’élever la voix des prophètes au-dessus du vacarme des hommes.
